Shonisaurus est un genre d’ichthyosaure shastasauridé géant connu de nombreux restes du Carnien de la formation géologique de Luning (Nevada, USA). Les tétrapodes marins actuels se déplacent souvent en groupe, que ce soit pour se nourrir ou bien pour se reproduire. Les équivalents passés de ce comportement grégaire sont encore inconnus car la recherche taphonomique sur les vertébrés marins fossiles est faible. Kelley et ses collègues décrivent ainsi la taphonomie d’un assemblage de fossiles de Shonisaurus, montrant que ces ichthyosaures se déplaçaient en groupes.

Kelley et ses collègues ont analysé un lit d’os où le seul sauropside représenté est Shonisaurus. Cette surabondance se remarque sur une épaisseur de sédiments assez large et est particulièrement inhabituelle. Les squelettes sont regroupés sur une surface assez petite, et ce regroupement a initialement été pris pour la conséquence d’un évènement de mortalité massive. Kelley et ses collègues ont étudié les sédiments dans lesquels ont été découverts ces Shonisaurus, et n’y ont découvert aucune trace de catastrophe massive. Plus globalement, aucun évènement majeur de disparition n’est observé sur la période de dépôt de ces sédiments.

L’analyse de ce lit d’os a mis en évidence une anomalie particulière concernant le stade ontogénique des spécimens découverts. En effet, ces spécimens de Shonisaurus ne représentent pas une variété de stades ontogéniques comme chez les autres lits d’os de sauropsides marins. Au contraire, la grande majorité de ces spécimens correspond à des individus adultes et la minorité des autres spécimens sont des individus juvéniles de très petite taille. Kelley et ses collègues interprètent cette composition comme la preuve que ce regroupement de restes représente les restes fossiles de groupes de Shonisaurus vivant sur ce site.

Kelley et ses collègues signalent que les dents robustes de Shonisaurus sont celles d’un prédateur de gros vertébrés, mais qu’aucune proie de ce type n’est présente dans le site qu’ils étudient. Selon eux, cette absence de proies est liée au fait que Shonisaurus ne s’alimentait pas sur ce site. En effet, sa grande taille est cohérente avec un mode de déplacement à grande échelle, Shonisaurus migrant pour se nourrir ou pour se reproduire.

Pour Kelley et ses collègues, le site qu’ils étudient était un lieu de passage de groupes de Shonisaurus pendant des milliers d’années. Ce groupe devait se déplacer peu après la naissance de la nouvelle génération d’individus et le regroupement des adultes devait leur permettre de survivre face aux prédateurs.

Référence : Kelley, N.P.; Irmis, R.B.; de Polo, P.E.; Noble, P.J.; Montague-Judd, D.; Little, H.; Blundell, J.; Rasmussen, C.; Percival, L.M.E.; Mather, T.A.; Pyenson, N.D., 2022, Grouping behavior in a Triassic marine apex predator. Current Biology. 32: 5398–5405.
Toutes les images proviennent de Kelley et al., 2022 à l’exception de la première qui est une œuvre de Scott Hartman et de la dernière qui est une œuvre de Gabriel Ugueto