Les ankylosauridés sont des dinosaures qui se caractérisent par leur blindage mais également par leur queue en forme de massue. Il a souvent été proposé que cette queue avait joué un rôle défensif contre les prédateurs, mais une hypothèse alternative propose que la queue en forme de massue des ankylosauridés a joué un rôle principal dans les combats intraspécifiques. Cette hypothèse des combats intraspécifique se basait alors jusque là sur de la spéculation, mais Arbour et ses collègues rapportent ainsi la présence de pathologies sur les ostéodermes de l’holotype (ROM 75860) de l’ankylosauridé Zuul crurivastator qui sont la preuve de combats intraspécifiques menés avec leur queue en massue.

Pour connaître le rôle de la queue en massue des ankylosauridés, Arbour et ses collègues ont testé la relation de corrélation entre la taille de cette massue et celle des prédateurs des ankylosauridés. En effet, une plus grande queue en massue permettrait des chocs plus puissants et donc une meilleure défense contre des prédateurs plus gros. Arbour et ses collègues n’ont toutefois pas retrouvé de relation entre ces deux paramètres, fragilisant le lien entre la queue des ankylosauridés et un rôle défensif contre les prédateurs.

Les tyrannosauridés ont souvent été représentés chassant des ankylosauridés mais aucune preuve n’est disponible pour confirmer cette hypothèse. Arbour et ses collègues signalent que la faible mobilité de la queue des ankylosauridés joue en défaveur d’un usage défensif. Les armures des ankylosauridés ne présentent par ailleurs pas de blessures liées à la prédation des tyrannosauridés et les blessures des tyrannosauridés attribuées à des coups de queue en massue peuvent être liées à bien d’autres facteurs. Les ankylosauridés étant des composantes rares de leurs écosystèmes, ils ne devaient pas être une source de nourriture majeure pour les tyrannosauridés.

L’holotype (ROM 75860) de Zuul crurivastator est un squelette partiel exceptionnellement conservé avec de nombreux tissus mous préservés. Son armure d’ostéodermes est très bien préservée et a pu être étudiée en détail par Arbour et ses collègues. Ils ont identifié 5 ostéodermes présentant des pathologies et trois autres pouvant potentiellement être pathologiques. Ces ostéodermes pathologiques présentent des parties manquantes et des traces d’une reformation de l’os, chacune de ces pathologies semblant indépendante des autres. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces pathologies ne sont pas réparties au hasard mais plutôt disposées de chaque côté du bord de l’armure au niveau des flancs.

La répartition de ces pathologies le long des flancs est un argument en faveur de leur production par des chocs causés par la massue d’une queue d’ankylosauridé. En effet, Arbour et ses collègues notent que la disposition de ces blessures est cohérente avec des coups de queue puisqu’aucune des zones inaccessibles à la queue d’un ankylosauridé de la même espèce n’a été blessée. Par ailleurs, ces blessures sont localisées à des zones où un choc n’est pas létal et la présence d’une reconstruction presque intégrale de l’os de certains ostéodermes suggère une régularité dans ces blessures. Finalement, un autre argument pour cette hypothèse est que les squelettes parfaitement préservés des nodosauridés ne présentent aucune blessure alors que les nodosauridés ne présentent pas de queue en massue.

Arbour et ses collègues ont remarqué que la taille de la massue de la queue des ankylosauridés varie beaucoup selon les espèces mais a eu tendance à augmenter au cours de l’évolution. Une telle augmentation de taille, indépendante à celle de la taille des prédateurs, suggère que la taille des massues de la queue des ankylosauridés était un caractère de sélection sexuelle.

La queue des ankylosauridés aurait ainsi eu un rôle principal d’arme pour des combats intraspécifiques, servant à porter des coups dissuasifs sur le flanc de l’armure de leurs semblables. Ces combats devaient entrer dans le processus de parade nuptiale, faisant ainsi de la taille de ces massues un caractère de sélection sexuelle. Arbour et ses collègues en concluent ainsi que la queue des ankylosauridés a eu un rôle principal dans la sélection sexuelle, avec un possible rôle défensif mais bien moindre.
Référence : Arbour, V.M.; Zanno, L.E.; Evans, D.C., 2022, Palaeopathological evidence for intraspecific combat in ankylosaurid dinosaurs. Biology Letters. 18: 20220404.
Toutes les images proviennent d’Arbour et al., 2022 à l’exception de la troisième qui est une œuvre de Mohamad Haghani ainsi que de la dernière qui est une œuvre de Danielle Dufault