Les restes fossiles de théropodes sont particulièrement rares dans les sédiments du jurassique en Amérique du Sud. Chaque découverte est donc particulièrement importante et permet d’obtenir de nombreuses informations sur la répartition paléogéographique des groupes de théropodes. Soto et ses collègues décrivent ainsi une dent partielle (FC-DPV 3531) du Kimméridgien-Tithonien de la formation géologique de Tacuarembó (Tacuarembó, Uruguay).

FC-DPV 3531 est une dent ziphodonte typique de la plupart des théropodes prédateurs. Pour identifier le groupe à laquelle appartient cette dent, Soto et ses collègues l’ont passée au scanner CT pour connaître entièrement ses caractéristiques et ainsi pouvoir réaliser une analyse phylogénétique ainsi qu’une analyse morphométrique. Les observations morphologiques de Soto et ses collègues les ont conduits à référer FC-DPV 3531 à Abelisauridae indet. Il a également été mis en évidence que FC-DPV 3531 présentait l’une des plus grandes densités de denticules dentaires connue pour les abelisauridés.

Les analyses morphométriques menées par Soto et ses collègues ont placé FC-DPV 3531 dans la gamme morphologique des dents des autres abelisauridés et plus particulièrement celle d’Aucasaurus. Les analyses phylogénétiques qu’ils ont effectuées ont placé FC-DPV 3531 au sein d’Abelisauridae, dans des positions proches des dents des Majungasaurini tels que Majungasaurus et Indosuchus. Ces analyses phylogénétiques ne comprennent que les caractères dentaires et ne correspondent pas a la réalité des relations phylogénétiques mais permettent d’éclaircir les relations générales. En effet, les dents peuvent être sujettes à une grande variation parmi un même clade, ce qui rend instable le lien entre FC-DPV 3531 et Majungasaurini. C’est pour ces raisons que Soto et ses collègues en ont conclu que ce spécimen représente un Abelisauridae indet.

FC-DPV 3531 représente une preuve sans ambiguïté de la présence des abelisauridés dans la formation géologique de Tacuarembó. Ce spécimen représente l’une des rares occurrences des abelisauridés au jurassique, rejoignant Eoabelisaurus et plusieurs restes isolés de Madagascar, de Tanzanie et d’Argentine. Cette présence centrée au Gondwana peut traduire des origines gondwanienne des abelisauridés mais trop peu de fossiles sont connus pour en attester. Il est en effet fort probable que l’absence des abelisauridés des autres continents puisse être due à un manque de spécimens découverts plutôt qu’à une absence réelle.

L’abelisauridé indéterminé représenté par FC-DPV 3531 vivait dans un environnement de plaines inondables en compagnie de tortues, de crocodylomorphes, de megalosauridés, de ceratosauridés et de ptérosaures.
Référence : Soto, M.; Delcourt, R.; Langer, M.C.; Perea, D., 2022, The first record of Abelisauridae (Theropoda: Ceratosauria) from Uruguay (Late Jurassic, Tacuarembó Formation). Historical Biology.
Toutes les images proviennent de Soto et al., 2022