A la fin du siècle dernier, Scott Madsen découvrit un crâne partiel de squamate sur le site de Dinosaur National Monument, dans le Tithonien de la formation géologique de Morrison (Utah, USA). En 1998, Evans et Chure décrivent ce crâne (DINO 14864) comme un spécimen attribuable à Paramacellodus cf. oweni. Par la suite, des différences notables entre DINO 14864 et l’holotype de P. oweni ont conduit les paléontologues à reconsidérer l’attribution du spécimen. Brownstein et ses collègues décrivent ainsi ce crâne comme l’holotype du nouveau genre Eoscincus (en référence à sa position phylogénétique) et son espèce E. ornatus.

L’holotype (DINO 14864) d’Eoscincus ornatus est constitué d’un crâne partiel composé du museau, du palais, du toit crânien partiel et des mandibules. Selon Brownstein et ses collègues, ce spécimen appartient à un individu squelettiquement mature. Pour pouvoir l’analyser en détail, ils ont passé le spécimen au scanner CT, donnant ainsi accès à un modèle 3D du fossile.

Les analyses phylogénétiques de Brownstein et ses collègues ont classé Eoscincus dans plusieurs positions différentes, mais toutes se trouvent dans une position basale au sein de Pan-Scincoidea. Ils considèrent que la position la plus probable pour Eoscincus se trouve au sein des paramacellodidés. La description d’Eoscincus ainsi que de Microteras (traitée dans cet article) a permis à Brownstein et ses collègues de soutenir la monophylie de Scincomorpha mais aussi d’ériger le nouveau clade Pan-Scincoidea. Pan-Scincoidea est ainsi un clade total pour comprendre tous les taxons basaux au sein de Scincoidea en plus de Scincoidea.

Selon Brownstein et ses collègues, Eoscincus présente plusieurs caractères également retrouvés chez les squamates basaux, mais avec de légères différences qui tendent à prouver qu’il s’agit d’une apparition de caractère distincte. Il se caractérise également par la présence de deux rangées de dents sur le vomer (un des os du palais), un trait qui n’était jusque là rapporté que pour les squamates anguimorphes ainsi que pour les sphenodontiens.

Parmi les lepidosaures, on observe une majorité écrasante de spécimens de sphenodontiens par rapport à ceux des squamates au trias et au jurassique, ces derniers n’étant plus nombreux qu’à partir du crétacé. La présence d’Eoscincus dans des sédiments du jurassique, en tant que squamate assez dérivé, permet de constater que malgré une domination faunique des sphenodontiens, les squamates étaient tout de même en plein développement dès cette époque.

Eoscincus était un petit prédateur, chassant très certainement une grande variété d’invertébrés, et vivait dans un environnement de plaines boisées en compagnie d’une faune particulièrement bien connue. La faune du site de la découverte de l’holotype d’Eoscincus comprend d’autres squamates, des crocodylomorphes, des tortues, des ptérosaures, des ornithopodes comme Dryosaurus ou Camptosaurus, l’ankylosaure Mymoorapelta, le stégosaure Stegosaurus, une grande variété de sauropodes ainsi qu’une quantité de théropodes comprenant Ornitholestes, Allosaurus, Ceratosaurus, Coelurus, Torvosaurus…
Références : Brownstein, C.D.; Meyer, D.L.; Fabbri, M.; Bhullar, B.-A.S.; Gauthier, J.A., 2022, Evolutionary origins of the prolonged extant squamate radiation. Nature Communications. 13: 7087.
Evans, S.E.; Chure, D.C., 1998, Paramacellodid lizard skulls from the Jurassic Morrison Formation at Dinosaur National Monument, Utah. Journal of Vertebrate Paleontology. 18: 99–114.
Toutes les images proviennent de Brownstein et al., 2022 à l’exception de la première qui est composée d’une photographie du Dinosaur National Park Service Museum et d’un dessin interprétatif provenant d’Evans et Chure, 1998
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