Les sauropodes, tout comme la plupart des autres ornithodires, présentent une forte pneumatisation postcrânienne, c’est-à-dire des cavités dans les os permettant d’alléger le squelette. De nombreuses études ont été menées sur le sujet, rapportant une forte pneumatisation des vertèbres chez la plupart des principaux clades de sauropodes. Toutefois, les dicraeosauridés font figure d’exception en présentant un degré de pneumatisation vertébrale beaucoup plus faible, mais les études sur le sujet sont encore trop peu nombreuses pour en être certain. Windholz et ses collègues étudient ainsi en détail la pneumatisation des vertèbres cervicales et dorsales des dicraeosauridés.

L’étude de Windholz et ses collègues se base sur l’analyse des vertèbres de l’holotype d’Amargasaurus cazaui (MACN PV N15) et de l’holotype de Brachytrachelopan mesai (MPEF-PV 1716). Ces vertèbres ont été scannées au scanner CT pour obtenir un modèle 3D avec les structures internes des vertèbres, y compris la pneumatisation.

Windholz et ses collègues constatent que les vertèbres de Brachytrachelopan et d’Amargasaurus ont des structures pneumatisées très réduites. Il avait été rapporté que le dicraeosauridé Pilmatueia présentait des foramina au niveau d’une de ses vertèbres dorsales, potentiellement un signe de pneumatisation avancée. Toutefois Windholz et ses collègues préfèrent interpréter ces foramina comme des structures neuro-vasculaires. Windholz et al., 2020 avaient interprété des variations de densité dans les centra cervicaux d’Amargasaurus comme des signes de pneumatisation de ces vertèbres. Windholz et ses collègues préfèrent ici interpréter ces variations comme le témoin de la présence d’un tissu osseux spongieux.

Windholz et ses collègues signalent que la moyenne du taux de pneumatisation vertébrale chez les dicraeosauridés est de 10-12% et que le dicraeosauridé au plus fort taux de pneumatisation vertébrale est Pilmatueia avec 26%. Toutefois, ces valeurs sont bien plus faibles que celles des autres sauropodes, avec par exemple plus de 50% chez les diplodocidés. Les vertèbres cervicales de Brachytrachelopan et d’Amargasaurus présentent une pneumatisation sommaire, avec une simple cavité vertébrale. Cette condition semble identique chez tous les dicraeosauridés, s’observant aussi chez Dicraeosaurus. La pneumatisation des vertèbres de Brachytrachelopan est assez faible chez ses vertèbres dorsales antérieures avant une réduction voire une disparition de la pneumatisation chez ses vertèbres dorsales postérieures. Cela indique que les vertèbres dorsales des dicraeosauridés étaient très peu pneumatisées.

Au niveau évolutif, Windholz et ses collègues établissent le fait que la condition ancestrale chez les dicraeosauridés était une pneumatisation développée des vertèbres. Cela peut s’attester par la plus forte pneumatisation des formes basales comme Suuwassea par rapport aux formes plus dérivées comme Brachytrachelopan ou Amargasaurus. Les genres dérivés du Gondwana (Dicraeosaurus, Brachytrachelopan et Amargasaurus) ont donc évolué vers une réduction de la pneumatisation vertébrale. La seule exception est Pilmatueia qui présente une pneumatisation plus forte et semble marquer un retour évolutif vers la condition ancestrale de pneumatisation vertébrale.

Cette réduction évolutive de la pneumatisation vertébrale est expliquée par Windholz et ses collègues comme étant liée aux contraintes de la robustesse des vertèbres et de l’allongement des épines neurales en structures spécialisées chez les dicraeosauridés. Les vertèbres auraient ainsi du perdre en légèreté, et donc diminuer leur pneumaticité, pour conserver une structure solide.
Références : Windholz, G.J.; Carballido, J.L.; Coria, R.A.; Zurriaguz, V.L.; Rauhut, O.W.M., 2022, How pneumatic were the presacral vertebrae of dicraeosaurid (Sauropoda: Diplodocoidea) dinosaurs? Biological Journal of the Linnean Society. blac131.
Toutes les images proviennent de Windholz et al., 2022 à l’exception de la première qui est une œuvre de Scott Hartman