Le système respiratoire de Tanystropheus

Un cou allongé présente de nombreuses contraintes anatomiques et notamment au niveau du système respiratoire. En effet, l’allongement du cou entraîne l’allongement des voies respiratoires, ce qui implique un plus grand volume d’air n’atteignant pas les poumons (appelé volume de l’espace mort). Pour que la respiration soit efficace, le volume d’air déplacé vers les poumons doit être suffisamment important pour permettre les échanges gazeux. Ainsi les tétrapodes à long cou ont développé des stratégies pour s’adapter à ces contraintes et pour compenser l’augmentation du volume d’espace mort. Le cou de l’archosauromorphe tanystropheidé Tanystropheus est, proportionnellement au torse, le cou le plus grand connu chez les tétrapodes. Ses adaptations à la respiration étaient jusque là inconnues et de Souza et Klein contribuent ainsi à comprendre le système respiratoire de Tanystropheus.

Reconstitution squelettique de Tanystropheus

Pour connaître les variables morphologiques nécessaires à la respiration, de Souza et Klein ont commencé leur étude en calculant la masse corporelle de Tanystropheus. Pour ce faire, trois méthodes ont été employées : la première a utilisé la poussée d’Archimède pour étudier la flottabilité et donc le volume de modèles tridimensionnels, la seconde a remplacé la forme du corps de Tanystropheus par des formes géométriques dont le volume est ensuite facilement calculable, la troisième a découpé la forme du corps de Tanystropheus en tranches de longueur égale dans un plan tridimensionnel. Ces analyses ont obtenu, pour un individu de 3,6 mètres de longueur, une masse de 50,6 ± 21,6 kilogrammes avec une masse minimum estimé à 32,9 kilogrammes et une masse maximum de 74,8 kilogrammes. Cette valeur de 50 kilogrammes semble assez cohérente au vu de la morphologie de Tanystropheus et de la comparaison avec la masse de plusieurs sauropsides actuels (serpents, varans et crocodiles).

Représentation des trois méthodes employées par de Souza et Klein : la première (a) avec un squelette et ses tissus mous reconstruits soumis à la poussée d’Archimède, la seconde (b) avec la forme du corps remplacée par des formes géométriques et la troisième (c) avec la forme tridimensionnelle du corps de Tanystropheus découpée en tranches de longueur égale

de Souza et Klein ont réalisé une analyse allométrique phylogénétique pour calculer les dimensions de la trachée et le taux maximal de consommation d’oxygène de Tanystropheus. Cette analyse a pu donner plusieurs données potentielles pour Tanystropheus en fonction des données privilégiées (métabolisme, morphologie pulmonaire et genres utilisés pour faire l’analogie avec Tanystropheus). Ils ont également résolu plusieurs équations pour connaître les variables respiratoires du genre, notamment liées à la taille et la forme de la trachée, la masse corporelle et le volume de Tanystropheus et la température de l’air au trias supérieur.

Graphiques montrant le ratio entre le nombre de Reynolds (Re) et la ventilation pulmonaire (Ve), avec un flux pulmonaire optimisé pour un diamètre trachéal de 2.0 cm (a) et montrant le ratio entre la différence de pression dans les poumons (ΔP) et la ventilation pulmonaire (Ve), avec une bonne pression pulmonaire pour les diamètres de trachée de 1.5, 2.0, 2.5 et 3.0 cm (b)

de Souza et Klein notent que leurs analyses pour connaître la masse corporelle de Tanystropheus présentent des lacunes pour reconstruire la répartition du poids dans le corps. Toutefois, ces variations de masse corporelle n’ont pas entraîné de changements significatifs dans la reconstruction de la physiologie respiratoire de Tanystropheus. Leur analyse allométrique révèle que le volume de l’espace mort dans les voies respiratoires de Tanystropheus était plus élevé que celui des oiseaux ou des mammifères mais qu’une respiration régulée pouvait contribuer à diminuer ce volume. de Souza et Klein suggèrent que les poumons de Tanystropheus avaient une morphologie multicamérale mais qu’elle ne concorde pas avec le diamètre de la trachée estimé à partir de sauropsides actuels. En effet, au lieu de 5 à 6 centimètres, le diamètre optimal de la trachée de Tanystropheus se situe aux alentours de 2 centimètres. Ils en concluent que Tanystropheus est un animal spécialisé dont la trachée a été réduite au cours de l’évolution pour correspondre à un système pulmonaire multicaméral.

Représentation des trois types de poumons existant chez les vertébrés : unicaméral (a), paucicaméral (b) et multicaméral (c). Les poumons de pa plupart des sauropsides et de Tanystropheus sont de morphologie multicamérale

Ces résultats sont cohérents et suggèrent que Tanystropheus était un archosauromorphe spécialisé aux poumons multicaméraux typiquement de type sauropside avec une trachée de diamètre réduit. Ce système convient le mieux aux besoins respiratoires du genre avec une réduction du volume de l’espace mort et une optimisation des échanges gazeux. de Souza et Klein rajoutent qu’il est possible que Tanystropheus ait possédé des sacs aériens comme de nombreux archosaures car ces sacs auraient bien supporté ses besoins en oxygène au vu de son système respiratoire. Au niveau métabolique, ils soulignent le fait que Tanystropheus n’aurait pas pu vivre en altitude ni se livrer à des activités énergivores du fait des limites de son système respiratoire. Au contraire cela aurait été un prédateur de 50 kilogrammes, vivant proche du niveau de la mer, avec un comportement assez immobile de prédateur d’embuscade.

Référence : de Souza, R.B.B.; Klein, W., 2022, Modeling of the respiratory system of the long-necked Triassic reptile Tanystropheus (Archosauromorpha). The Science of Nature. 109: 55.

Renesto, S.; Saller, F., 2018, Evidences for a semi aquatic life style in the triassic diapsid reptile Tanystropheus. Rivista Italiana di Paleontologia e Stratigrafia. 124: 23–34.

Petit, L., 2022, Mise en ligne d’un atlas d’images échographiques normales chez le gecko léopard. Médecine vétérinaire et santé animale. ffdumas-03777903.

Toutes les images proviennent de de Souza et Klein, 2022 à l’exception de le première qui provient de Renesto et Saller, 2018 et de la dernière qui provient de Petit, 2022

Laisser un commentaire