Une hypothèse assez répandue suggère que les premiers dinosaures étaient sujets à une grande plasticité de croissance. Des études ont déjà relevé cette plasticité de croissance pour les sauropodomorphes Plateosaurus et Massospondylus sur la base d’analyses ostéohistologiques. Elle a également été mentionnée pour les dinosauromorphes silesauridés et les théropodes Coelophysis et Megapnosaurus mais cette fois ci sans analyses ostéohistologiques. C’est pour analyser ostéohistologiquement la plasticité de croissance des premiers théropodes, et ainsi valider ou non l’hypothèse d’une plasticité de croissance généralisée à Dinosauria, que Barta et ses collègues ont étudié une population de Coelophysis bauri.

Les os longs de 24 individus de tailles différentes enterrés ensemble lors d’un même évènement, provenant de la formation géologique de Chinle (Nouveau-Mexique, USA), ont été utilisés dans l’analyse ostéohistologique de Barta et ses collègues. Leur analyse met en évidence l’absence de preuves de la présence d’individus sexuellement matures dans la population de Coelophysis bauri étudiée et seuls 4 sur 24 individus semblent avoir atteint la maturité squelettique. Ainsi il est impossible d’établir une courbe de croissance fiable pour cette espèce. Le taux de variation de taille des individus montre que les classes de taille ne peuvent être utilisées pour définir le stade ontogénique des individus.

Il avait déjà été suggéré par Schwartz et Gillette que les individus de Coelophysis bauri étudiés par Barta et ses collègues avaient été enterrés lors d’un évènement catastrophique. La distribution des spécimens en fonction de leur âge sur le site et très similaire à celle observée pour une population de Maiasaura qui a été enterrée suite à une catastrophe. Ainsi l’hypothèse d’un ensevelissement catastrophique de cette population de C. bauri est également étayée par les preuves ostéohistologiques apportées par Barta et ses collègues.

Les individus de C. bauri étudiés montrent tous des signes de ralentissement de croissance à des âges différents, pouvant refléter une plasticité de l’âge de la maturité sexuelle ou bien un ralentissement commun causé par des contraintes environnementales (par exemple la sècheresse). Aucune de ces deux hypothèses n’est préférable à l’autre mais il est quoi qu’il arrive admis que le schéma de croissance de Coelophysis est variable pour cette population. Barta et ses collègues suggèrent le fait qu’une plasticité de croissance a pu être un avantage pour les premiers théropodes, leur permettant ainsi de faire face aux contraintes environnementales.

Cette plasticité de croissance pourrait s’expliquer par un dimorphisme sexuel mais aucune preuve d’un tel phénomène n’est connu chez C. bauri, ce qui rend cette hypothèse improbable pour Barta et ses collègues. La plasticité de croissance observée chez ces individus immatures aurait eu tendance à augmenter au fur et à mesure de leur croissance. Ainsi les premiers théropodes présentaient eux aussi une plasticité de croissance, ce qui apporte un soutien à l’hypothèse d’une plasticité de croissance commune à tous les premiers dinosaures.

Références : Barta, D.E.; Griffin, C.T.; Norell, M.A., 2022, Osteohistology of a Triassic dinosaur population reveals highly variable growth trajectories typified early dinosaur ontogeny. Scientific Reports. 12: 17321.
Schwartz, H.L.; Gillette, D.D., 1994, Geology and taphonomy of the Coelophysis quarry, upper Triassic Chinle formation, Ghost Ranch, New Mexico. Journal of Paleontology. 68: 1118-1130.
Toutes les images proviennent de Barta et al., 2022 à l’exception de de la dernière qui est une œuvre de Scott Hartman