Pathologies sur la peau d’une « momie » d’Edmontosaurus

En 1999, un spécimen d’Edmontosaurus est découvert par une équipe de paléontologues dans le Maastrichtien de la formation géologique d’Hell Creek (Dakota du Nord, USA). Manning et ses collègues le décrivent en 2009 comme un spécimen d’Edmontosaurus sp. (MRF-03) et signalent la présence d’une grande quantité de tissus mous préservés sur le fossile, permettant de le qualifier de « dinosaure momifié ». En 2013, le spécimen a changé de lieu de stockage et pris le nom NDGS 2000. Une préparation minutieuse du spécimen a mis en évidence de nouvelles caractéristiques sur ses tissus mous, y compris des lésions que Drumheller et ses collègues ont entrepris de décrire.  

Reconstitution du vivant d’Edmontosaurus sp. basée sur NDGS 2000 (A) avec les différentes zones du fossile(B), en noir celles absentes, en gris celles sans tissus mous, en jaune celles avec des tissus mous préparés et en rouge celles avec des tissus mous non-préparés

Pour analyser les empreintes de morsure sur, Drumheller et ses collègues ont passé une partie du spécimen au scanner CT et ont utilisé une méthode d’analyse devant inclure le fait que les morsure sur les tissus mous n’ont pas la même allure que sur les os. Des marques de blessures sont présentes à trois endroits différents sur le corps de NDGS 2000 : sur la main droite, au niveau du coude droit et sur la surface latérale gauche de la queue. Aucune preuve de guérison n’a été relevée sur ces blessures par Drumheller et ses collègues.

Reconstitution squelettique d’Edmontosaurus par Scott Hartman

Plusieurs perforations circulaires sont présentes sur la main droite de NDGS 2000, au niveau du doigt V, suggérant qu’il s’agit de blessures causées par des dents coniques. Toutefois les tissus mous ont pu facilement se déformer au cours de la décomposition et de la fossilisation, ce qui rend cette conclusion assez incertaine. Plusieurs marques sont visibles sur l’humérus et le radius droits ainsi que sur la peau environnante. Ces marques au niveau du coude droits semblent avoir été faites par un seul évènement de morsure associée à un roulement du corps du prédateur pour démembrer la proie. Drumheller et ses collègues suggèrent que ces blessures au coude ont été effectuées par un crocodylomorphe, soit Brachychampsa montana soit Borealosuchus sternbergii soit peut-être Thoracosaurus neocesariensis.

Reconstitution du vivant de NDGS 2000 montrant les zones de blessures (A et B), les traces de morsure sur la main droite (C) et le coude droit (D) ainsi que les marques de dents sur le radius droit (E et F)

Les blessures présentes sur la queue sont des perforations ou des sillons que Drumheller et ses collègues interprètent comme des marques de griffes. Ils signalent le fait que des crocodylomorphes, des dromaeosauridés (Dakotaraptor steini) ou des tyrannosauridés juvéniles (Tyrannosaurus rex) ont pu être les auteurs de ces marques.

Reconstitution du vivant de NDGS 2000 montrant les zones de blessures (A), les sillons et perforations sur la queue (B, C, D et E) ainsi que l’orientation de ces sillons (F)

Ces blessures observées par Drumheller et ses collègues sur NDGS 2000 semblent avoir été faites par au moins deux animaux différents (un au niveau de la queue et un au niveau du membre antérieur droit) mais il est possible que plus d’animaux aient pu être impliqués dans le charognage du cadavre de cet individu d’Edmontosaurus. Drumheller et ses collègues ont étudié les sédiments entourant le fossile et signalent que le cadavre de NDGS 2000 est resté longtemps à l’air libre, sur les berges d’un cours d’eau, où il a été charogné pendant quelques temps. Ce charognage a permis à des microorganismes d’accéder aux tissus mous internes, et finalement seuls les tissus mous résistants ont été épargnés mais ont pu être fossilisés. Sa momification est donc le résultat d’une dessication du corps combinée à un nettoyage incomplet de ses tissus mous par des décomposeurs et des charognards.

Illustration montrant les étapes menant à la momification de NDGS 2000 avec d’abord le charognage permettant la création d’ouvertures dans le cadavre (A), ensuite la consommation de tissus mous internes par les décomposeurs (B) et enfin la dessication du corps suite à l’élimination des tissus mous internes et des fluides corporels (C)

Références : Drumheller, S.K.; Boyd, C.A.; Barnes, B.M.S.; Householder, M.L., 2022, Biostratinomic alterations of an Edmontosaurus “mummy”reveal a pathway for soft tissue preservation without invoking “exceptional conditions”. PLoS ONE. 17(10): e0275240.

Manning, P.L.; Morris, P.M.; McMahon, A.; Jones, E.; Gize, A.; Macquaker, J.H.S.; Wolff, G.; Thompson, A.; Marshall, J.; Taylor, K.G.; Lyson, T.; Gaskell, S.; Reamtong, O.; Sellers, W.I.; van Dongen, B.E.; Buckley, M.; Wogelius, R.A., 2009, Mineralized soft-tissue structure and chemistry in a mummified hadrosaur from the Hell Creek Formation, North Dakota (USA). Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences. 276: 3429–343.

Toutes les images proviennent de Drumheller et al., 2022 à l’exception de de la seconde qui est une œuvre de Scott Hartman

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