Ecologie de Triceratops

Triceratops est un genre emblématique de cératopsien chasmosauriné de la fin du crétacé, présent dans une grande quantité de formations géologique du Canada et des Etats-Unis. Malgré la quantité de fossiles connus, l’écologie de Triceratops est encore méconnue. En analysant la composition isotopique du carbone et de l’oxygène présents dans l’apatite contenue dans les fossiles (os et dents) de Triceratops, de Rooij et ses collègues sont ainsi en mesure de déterminer la nourriture et les sources d’eau du genre.

Reconstitution squelettique de Triceratops horridus par Scott Hartman

Les fossiles de Triceratops analysés sont quatorze dents provenant d’un lit d’os du Maastrichtien de la formation géologique de Lance (Wyoming, USA) et appartenant à l’espèce Triceratops horridus. L’analyse isotopique de de Rooij et ses collègues se base sur le fait que l’oxygène et le carbone sont des éléments très utilisés dans la constitution de l’apatite (présente dans les os et les dents), provenant de l’eau bue et de la nourriture ingérée. Elle a été réalisée sur sept des dents étudiées. La composition isotopique de l’oxygène de l’eau dépend de l’altitude, la température tandis que celle du carbone dans la nourriture dépend du type de nourriture.

Photographies des dents de Triceratops horridus utilisées pour l’analyse isotopique de de Rooij et ses collègues

Les sédiments dans lesquels les Triceratops analysés par de Rooij et ses collègues ont été découverts correspondent à un environnement de plaine inondable bordant la Voie Maritime Intérieure. L’analyse des isotopes d’oxygène suggère que ces Triceratops s’étaient abreuvés dans des rivières et fleuves d’eau douce. L’absence de transport des cadavres analysés par de Rooij et ses collègues suggère que Triceratops vivait à proximité de cours d’eau à l’intérieur des terres. Cette constatation s’oppose à celle de Fricke et Pearson en 2009, qui signalaient une partition de niche entre cératopsiens et hadrosaures avec les premiers occupant des milieux boisés et marécageux, et les derniers occupant des milieux à l’intérieur des terres près des cours d’eau. Ainsi ces observations de de Rooij et ses collègues montrent que Triceratops n’était pas limité à des habitats spécifiques et qu’il pouvait vivre dans une grande diversité d’habitats.

Graphiques montrant l’évolution de la concentration en 18O (isotope de l’oxygène) en fonction de l’âge de l’individu chez différentes dents de Triceratops analysées par de Rooij et ses collègues

L’analyse des isotopes de l’oxygène permet également de détecter les variations de croissance saisonnières et les migrations. D’après leurs données, de Rooij et ses collègues constatent que Triceratops ne se déplaçait qu’au cœur de son domaine vital et qu’il ne migrait pas ou du moins très peu. Ces résultats concordent avec ceux obtenus pour les hadrosaures, ce qui montre que les faunes d’herbivores du crétacé supérieur nord-américain n’avaient pas de tendance à migrer.

D’après l’analyse des isotopes du carbone chez les spécimens de Triceratops étudiés par de Rooij et ses collègues, ceux-ci se sont exclusivement de plantes C3 (une des voies métaboliques de synthétisation du carbone chez les végétaux photosynthétiques), ce qui est cohérent avec son environnement supposé puisque ces végétaux sont adaptés à des climats tempérés assez froids. Il est difficile de savoir de quel type spécifique de plantes C3 de nourrissait Triceratops car leurs valeurs isotopiques se chevauchent. Cependant, si l’on se base sur son anatomie, il serait le plus susceptible de se nourrir de végétaux riches en fibres comme les gymnospermes.

Graphiques montrant l’évolution de la concentration en 13C (isotope du carbone) en fonction de l’âge de l’individu chez différentes dents de Triceratops analysées par de Rooij et ses collègues

Les résultats de de Rooij et ses collègues viennent contrarier le modèle de partition de niche de Fricke et Pearson, suggérant une partition de niche plus complexe qu’une partition des habitats. Les différences d’écologie pour éviter une concurrence entre hadrosaures et cératopsiens pourraient plutôt concerner le type spécifique de nourriture consommée, sa hauteur ou encore l’époque de sa consommation (changements saisonniers ou journaliers). Ces différences ne peuvent être découvertes sur la base d’analyses isotopiques, ce qui laisse la question en suspens.

Références : de Rooij, J.; van der Lubbe, J.H.J.L.; Verdegaal, S.; Hulscher, M.; Tooms, D.; Kaskes, P.; Verhage, O.; Portanger, L.; Schulp, A.S., 2022, Stable isotope record of Triceratops from a mass accumulation (Lance Formation, Wyoming, USA) provides insights into Triceratops behaviour and ecology. Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology. 111274.

Fricke, H.C.; Pearson, D.A., 2009, Stable isotope evidence for changes in dietary niche partitioning among hadrosaurian and ceratopsian dinosaurs of the Hell Creek Formation, North Dakota. Paleobiology. 34(4): 534-552.

Toutes les images proviennent de de Rooij et al., 2022 à l’exception de de la première qui est une œuvre de Scott Hartman

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