Nouvelles données sur Nothosaurus mirabilis

Nothosaurus est un genre d’eusauropterygien présent dans de nombreuses localités correspondant aux côtes de la Paléotethys (Europe, Moyen-Orient, Chine). Il est connu de centaines de spécimens mais l’espèce type du genre, N. mirabilis, est assez mal connue car sommairement décrite. De nombreux restes isolés ont été découverts dans les mêmes niveaux que N. mirabilis mais ne peuvent être identifiés par manque d’informations. Pour mieux comprendre cette espèce et ainsi améliorer les connaissances sur Nothosaurus, Klein et ses collègues ont entrepris de redécrire l’holotype de N. mirabilis.

Spécimen de N. mirabilis tel que monté au Urwelt-Museum (A), représenté par Braun (1840) (B) avec les annotations de Klein et ses collègues (en rouge les éléments n’appartenant pas à UMO 1000 et en bleu les os mal disposés) (C)

En 1834, Münster décrit un squelette postcrânien assez complet (UMO 1000) présentant un mélange de caractéristiques entre le Plesiosaurus et les crocodiles, et propose de le baptiser Nothosaurus avec N. mirabilis pour espèce. Le fossile provient de l’Anisien supérieur de la formation géologique d’Eschenbach (Bavière, Allemagne). En 1840, UMO 1000 est illustré par Braun avant d’être monté dans un musée. Entre 1847 et 1855, Meyer décrit en détail sa colonne vertébrale mais ne décrit pas le reste du spécimen car lors du montage en musée, des fossiles de différents spécimens ont été mélangés et Meyer restait prudent. Le concept d’holotype n’existant pas à l’époque de Münster, c’est Rieppel et Wild (1996) qui ont fait de UMO 1000 l’holotype de N. mirabilis. Présenté au musée, le spécimen n’a alors plus été accessible pour être étudié. En 2009, le squelette a été démonté pour un réassemblage plus conforme dans le musée, permettant ainsi son étude par Klein et ses collègues. De plus, des os de l’holotype non incorporés au montage ont pu être redécouverts, permettant de réunir le fossile découvert par Münster.

Holotype (UMO 1000) de N. mirabilis tel que remonté dans la position de sa découverte au musée Urwelt-Museum (en haut) et dessin interprétatif du fossile (en bas) par Klein et ses collègues

Lors de la description de N. mirabilis, Münster s’est contenté de fournir un catalogue de découverte, sans décrire ni figurer les os. Le fossile étant resté indisponible pendant plus de 140 ans, c’est la description de la colonne vertébrale par Meyer qui a permis aux paléontologues de comparer l’holotype à d’autres fossiles, limitant donc la connaissance de N. mirabilis à sa colonne vertébrale. Avec le fossile complet entre les mains, Klein et ses collègues ont pu identifier tous les os préservés et remarquer plusieurs erreurs d’identification commises par Münster. Un fragment de mâchoire a été mentionné par Münster mais n’a pas été retrouvé par Klein et ses collègues et ce faisant, le crâne de UMO 1000 n’est pas connu. Toutefois, Rieppel et Wild (1996) ont désigné plusieurs crânes isolés des mêmes niveaux comme paratypes de N. mirabilis, ce qui fait que le crâne de cette espèce est également connu.

Reconstitution squelettique de l’holotype (UMO 1000) de N. mirabilis (avec un crâne paratype ajouté ici à l’échelle)

La redescription de UMO 1000 a permis d’identifier plusieurs os isolés qui ne pouvaient jusque là pas être distingués de différentes espèces de Nothosaurus. Par exemple, plusieurs humérus jusque là identifiés comme Nothosaurus sp. ont pu être attribués soit à N. mirabilis soit à N. giganteus sur la base de différences jusque là inconnues. Il a également été possible de remarquer de grandes similitudes entre N. mirabilis et N. jagisteus, une petite espèce de Nothosaurus qui pourrait donc être un juvénile de N. mirabilis et son synonyme. Toutefois, une étude plus détaillée sur ces similitudes est nécessaire pour acter la synonymie. Enfin, l’étude de UMO 1000 a permis d’obtenir de nouvelles données sur le mode de nage de Nothosaurus. Klein et ses collègues suggèrent qu’il utilisait l’ondulation latérale du corps pour la nage rapide et la propulsion avec ses membres antérieurs pour la nage lente, les membres postérieurs et la queue servant de gouvernail dans ces deux modes de nage.

Comparaison des humérus de N. mirabilis (A), N. jagisteus (B ; une côte recouvre en partie le fossile)) et N. giganteus (C), montrant une certaine similitude entre N. mirabilis et N. jagisteus

L’analyse de l’holotype a permis a Klein et ses collègues d’estimer une taille comprise entre 2,9 et 3,2 mètres de longueur pour ce spécimen qui était un subadulte, mais les adultes Nothosaurus mirabilis pouvaient atteindre 4,6 mètres d’après l’analyse d’un crâne paratype. N. mirabilis vivait avec trois autres espèces de Nothosaurus, les genres de placodontes Cyamodus et Placodus, le pistosaure Pistosaurus, des pachypleurosaures et le tanystropheidé Tanystropheus. Les quatre espèces de Nothosaurus de la formation géologique d’Eschenbach présentent des différences de taille et de morphologie et devaient suivre des stratégies de chasse et d’alimentation différentes, occupant ainsi des niches écologiques différentes et donc évitant une concurrence directe. En effet, N. mirabilis présente des adaptations à être principalement piscivore tandis que par exemple N. giganteus se serait attaqué à d’autres reptiles marins.

Références : Klein, N.; Eggmaier, S.; Hagdorn, H., 2022, The redescription of the holotype of Nothosaurus mirabilis (Diapsida, Eosauropterygia)—a historical skeleton from the Muschelkalk (Middle Triassic, Anisian) near Bayreuth (southern Germany). PeerJ. 10: e13818

Münster, G.Z., 1834, Vorläufige Nachricht über einige neue Reptilien im Muschelkalke von Baiern. Neues Jahrbuch für Mineralogie, Geognosie, Geologie und Petrefaktenkunde. 1834: 521-527.

Braun, F., 1840, Verzeichniss der in der Kreis-Naturalien-Sammlung zu Bayreuth befindlichen Petrefacten. Leipzig: Leopold Voss.

Meyer, H., 1855, Zur Fauna der Vorwelt: Die Saurier des Muschelkalkes mit Rücksicht auf die Saurier aus buntem Sandstein und Keuper. Frankfurt: Heinrich Keller

Rieppel, O.; Wild, R., 1996, Revision of the genus Nothosaurus (Reptilia: Sauropterygia) from the Germanic Triassic. Fieldiana (Geology). 34: 1-82

Toutes les images proviennent de Klein et al., 2022

Laisser un commentaire